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d Orphée. Indiquons simplement qu au début de ces ébats
amoureux notre héros connut quelques difficultés à affirmer sa
virilité. Vraisemblablement à cause de cette peur panique qui ne
le quittait pas. À quoi l on peut ajouter la triste habitude,
contractée dans sa jeunesse, de recourir quotidiennement à une
satisfaction solitaire qui avait exacerbé sa sensibilité, mais qui,
en cette occasion, le desservit.
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Par bonheur, tout se termina bien. Comme la plupart des
mâles de son espèce à Nogent-sur-Marne, Orphée possédait
deux pénis formant une fourche, à l aide desquels il fournit à
son amante la quantité de semence nécessaire pour assurer sa
postérité.
L instant fut embelli par les pendules de madame Persé-
phone sonnant deux heures du matin, fissure dans le temps qui
dura si longtemps qu Orphée fut de nouveau saisi d une violente
angoisse. L un des espiègles coucous de madame Perséphone eu
l audace de se faufiler dans la hutte et même de se poser sur les
fesses dénudées de notre héros, où se reflétait la lune. Pourtant,
Orphée n y prêta aucune attention, l Sil rivé sur les mâchoires
d Eurydice, qui soupirait avidement à son oreille.
Enfin, il se redressa dans l herbe parfumée. Il resta lon-
guement silencieux, encore ému au souvenir de leurs sexes qui
venaient de se désunir. Cet engourdissement ressemblait à un
songe. De surcroît, un grillon vint chanter cet instant, pendant
qu Eurydice s essuyait d une feuille d ortie. Son geste n échappa
point à Orphée, charmé par ce courage féminin tout simple.
L inquiétude commença à se dissiper dans son âme, se trans-
formant en une joie grandissante, et il songea soudain qu aucun
danger ne le menaçait plus, qu il avait échappé au triste destin
de son père et des cinq générations de mâles de sa famille, qui
avaient payé de leur vie la volupté de leur première nuit de no-
ces.
Son cSur viril n y tint plus. Il se mit à sangloter et, comme
un enfant, posa la tête sur les genoux de sa dulcinée.
« Chère âme, chuchota-t-il sans trouver une parole digne
de la gratitude qui le submergeait. Chère âme& Ma petite
reine& »
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Eurydice le dévisagea d un air soudain lugubre. Sa main
voyageait distraitement sur le corps de son amant comme pour
épuiser son surplus de tendresse, mais il y avait aussi dans ce
mouvement la morne lenteur du reptile qui caresse sa proie en
cherchant le côté par où il l avalera.
« Veux-tu me faire sortir d ici ? demanda-t-elle tout à coup
d une voix âpre.
Dieu miséricordieux ! » bégaya Orphée.
En moins de deux, le cSur battant, il se retrouva à la sortie
de la hutte, devant des ombres vacillantes, dans la broussaille
où planait toujours ce bizarre rayon de lune, ce fil d araignée
menant à la liberté.
« Tu connais bien la condition ? » murmura-t-elle dans son
dos.
Les dents serrées, notre vaillant héros s engagea sur le
rayon argenté.
Ils marchaient très lentement comme si, à chaque pas, ils
se heurtaient à une force maligne et invisible. Ils avançaient
avec difficulté, semblant se frayer un passage dans du verre
fondu. Le poids, sur leurs épaules, se faisait de plus en plus
lourd, presque insupportable, et ce n est qu à la moitié du che-
min qui les séparait de la liberté qu Orphée le reconnut. C était
le clair de lune qui pesait sur eux, pareil à une armure de plomb.
En même temps, comme se jouant de sa crainte, une pen-
sée malicieuse le tenta :
Eh quoi ! S il tournait quand même la tête ?&
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D abord ce ne fut qu une espièglerie de son esprit, loin de
tout passage à l acte, mais, peu à peu, cette idée s empara de lui
pour se métamorphoser en une contrainte aveugle, insoucieuse
des conséquences.
Il parvint pourtant à lui résister.
Il ralentit sa marche et se concentra sur les marques que la
lune avait taillées dans les buissons.
Sur le fil du rasoir.
Et s il tournait la tête ?&
Il ne lui échappa pas que, derrière lui, Eurydice haletait de
plus en plus. Sans doute titubait-elle, elle aussi, sous le poids du
clair de lune. Elle respirait toujours plus fort, comme si elle al-
lait étouffer, jusqu à ce que son haleine, sur la nuque d Orphée,
se change en un cri silencieux. Orphée lutta avec ses dernières
forces contre la compassion, craignant de l entendre expirer
sous ce poids funeste.
Lorsqu il tourna la tête à vrai dire, il le fit dans une totale
inconscience ce fut un geste qui eut lieu en dehors de son
corps, ce fut la plainte de l amour pur.
Tout cela ne dura qu un instant, si court qu il vit à peine les
mandibules cornées et les quatre paires d yeux de la jeune fe-
melle. Il ne tenta même pas de reculer quand elle projeta vers
lui son dard assassin. L aiguillon l atteignit avec une précision
impitoyable à l attache de la tête et du tronc, pour lui injecter
son froid d outre-tombe. Il ne sut pas davantage pleurer sur son
sort lorsque le liquide vénéneux commença à se répandre dans
sa chair tel un éclair de glace.
C est à ce moment-là qu il perdit connaissance.
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La femelle obèse se retira du minuscule mâle, qu un der-
nier râle crispa une fois encore, recroquevillant ses jambes sous
un tronc rétréci de douleur. Elle cessa de haleter et s allongea
commodément sur un hamac de fils tressés.
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